Samoëns, terre des maîtres tailleurs de pierre

Un savoir-faire reconnu dans le monde entier
Samoëns, niché au cœur de la vallée du Haut-Giffre, est bien plus qu’un village alpin : c’est une terre de maîtres tailleurs de pierre qui ont fait rayonner leur art bien au-delà des montagnes. Autrefois, les artisans de la région exportaient leur savoir-faire sur les plus grands chantiers de leur époque, jusqu’à l’autre bout du monde.

La vallée du Haut-Giffre est riche en carrières de calcaire, une pierre dure et résistante (coefficient 13 de dureté), qui a longtemps nourri l’activité locale. Pour compléter leurs revenus agricoles, les hommes de la région se sont ainsi tournés vers la taille de la pierre, forgeant une véritable tradition.

Dès 1659, ces tailleurs de pierre, appelés les Frahans, étaient si nombreux à Samoëns qu’ils décidèrent de créer une confrérie renommée : la confrérie des Quatre Couronnés. Ce nom rend hommage aux quatre Saints Couronnés, martyrs chrétiens qui refusèrent de tailler une statue idolâtre pour l’empereur Dioclétien. Leur mémoire est encore visible aujourd’hui dans le vitrail du chœur de l’église Notre-Dame de l’Assomption à Samoëns. La confrérie n’était pas qu’un simple regroupement professionnel : elle menait des actions philanthropiques, prenait soin des malades, formait les apprentis dans sa propre école de dessin et abritait une bibliothèque importante.

Leur réputation dépassa rapidement les frontières. Les tailleurs de pierre de Samoëns furent appelés à travailler sur des chantiers prestigieux : Vauban fit appel à leur expertise pour ses fortifications, Bonaparte pour les canaux de Saint-Quentin à Givors. Leurs talents furent même exportés en Pologne et jusqu’en Louisiane. Ils contribuèrent aussi à l’édification des hôtels de ville d’Annecy et de Bonneville. Pour communiquer entre eux et préserver leur savoir, ils développèrent un dialecte secret, le mourmé, un langage codé mystérieux.

Aujourd’hui encore, leur héritage est visible un peu partout dans le village et ses hameaux, notamment à Vercland, berceau géographique de cette tradition. Plusieurs tailleurs de pierre perpétuent toujours cet artisanat d’exception à Samoëns. La confrérie s’est transformée en association culturelle, La Société des Maçons, qui propose des visites guidées pour découvrir ce patrimoine unique, en hiver comme en été.

Samoëns n’est donc pas seulement une destination pour les amoureux de la montagne, mais aussi un lieu où la pierre raconte une histoire millénaire, celle d’un savoir-faire vivant et célébré dans le monde entier.